Alice Blue}

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Lila.

Lil’. Ma Lil’. Où es-tu ? Je crois t’avoir perdu. Tout va mal depuis que tu es partie. Je pensais que ça irait mieux une fois le choc passé mais non, pas le moins du monde. Je suis celle qui prend le plus mal la chose. Sans doute parce que tu étais ma meilleure amie à moi. Parce que c’est à toi que ton absence pèse le plus. Tu aurais du me le dire Lila, depuis le début.

Tu te souviens de notre rencontre ? Je ne trouvais aucun wagon vide, tous étaient pleins et je ne voulais pas m’incruster dans les groupes de personnes qui se connaissaient déjà. Alors j’ai continué à chercher jusqu’à trouver le dernier wagon, le tien. J’ai entendu des cris & je t’ai vu. Tu étais toute échevelée et tu hurlais contre une pauvre fille qui battit en retraite. Une fois disparue, tu t’es tournée vers moi. Je pensais avoir droit au même accueil, mais non, à moi tu m’as souri. Tu es retournée dans ton compartiment avec un petit geste de la main m’incitant à te suivre. Je suis rentrée & je t’ai trouvé assise, en train de sortir un miroir de ton sac. Tu as alors poussé un hurlement à glacer le sang de n’importe qui. J’ai cru qu’il t’était arrivé quelque chose de grave mais non. Au bord de la panique, tu débitais des centaines de mots & tes phrases n’avaient ni queue ni tête. Mais j’ai tout de même compris un « Oh mon dieu, je suis affreuse ! » horrifié. En temps normal, je déteste les gens qui sont obsédés par leur apparence & toi tu me semblais faire partie de cette catégorie de personnes. Tu t’étais manifestement énervée contre la fille et tu avais le visage tout rouge. Tu as respiré plus lentement & t’es efforcée de chasser cette panique de ton visage. Puis tu as réussi, ton visage est à nouveau devenu impassible & l’est demeuré. J’aurais du te détester mais pourtant, tu me semblais différente. Alors je suis restée dans ton compartiment et on a discuté. J’ai observé ton visage redevenu pale & tes longs cheveux noirs noués en une natte. Tu étais si jolie petite. Ne te l’a-t-on pas déjà dit ? Le voyage est passé très vite et le train s’est arrêté. Nous n’avions pas vu le temps passer & nous avons du enfiler nos uniformes à toute vitesse. Toi il t’allait bien, il était parfait. Mais moi, il était horrible. Il me grossissait affreusement & je me suis aperçue que j’avais mis ma jupe à l’envers. Ca nous a fait rire mais on s’est dépêché de sortir pour ne pas être oublié. Tu te souviens ? Et quand nous sommes entrées avec tous les autres dans la salle où nous devions manger ? Tu as observé le plafond avec attention sans jeter un seul regard aux élèves qui t’entouraient. Et même si tu n’as pas pu le voir, moi je l’ai remarqué, beaucoup de regards s’attardaient sur toi avant de dévisager le nouveau venu suivant. Quand à moi, quand on me regardait c’était pour s’esclaffer. Il est vrai qu’avec ma jupe à l’envers, une chaussette remontait le plus haut possible & une chaussette descendue, mon accoutrement virait au ridicule. Tu t’es présentée sur l’estrade dès que ton nom a été appelé & tu as été celle qui a eu le plus d’applaudissements.

Tu as été dans la classe avec ceux qui avaient le plus d’avenir. Cela ne m’a guère étonnée. Tu es manipulatrice Lila, si je ne connaissais pas ton caractère à l’époque, je le connais maintenant. Tu as toujours été froide, si froide. Et tu gardais sans cesse ce masque d’impassibilité sur ton beau visage comme lorsque je t’ai vu pour la première fois. Tu n’acceptes jamais de te confier. Même moi, j’ai eu du mal à gagner ta confiance & j’ai toujours du te tirer les vers du nez pour que tu m’avoues tes secrets. Mais tu as toujours été loyale envers tes amis. Jamais tu ne les trahirais, ça non. Et tu es très courageuse. Je ne t’es jamais vu trembler. Je suis même certaine que tu pourrais te trouver devant un énorme serpent, une énorme araignée, pourquoi pas une mygale sans avoir peur. Alors que moi, même la plus petite araignée me fait peur. Tu as aussi un grand sang froid. Oui, tu fais toujours preuve de sang froid, dans n’importe quelle situation. Tu vois ? Déjà petite tu évitais d’avoir à faire un choix. Tu as beau être très courageuse, tu es parfois lâche. Comme lorsqu’il s’agit de faire un choix. Tu n’as jamais accepté d’en faire. Soit tu n’en faisais pas, soit tu laissais la décision à quelqu’un d’autre. Et si tu y es obligée, tu fuis. Je me souviens quand je t’en ai parlé. Tu m’as regardé sans ciller & tu m’as demandé de quoi je pouvais bien parler. Et quand je t’ai dit ce que j’en pensais tu as éclaté d’un rire dénué de joie. Une fois assurée que je t’écoutais attentivement, tu m’as dit que j’étais ridicule. Tu m’as dit aussi que le bien, le mal, tout ça n’existait pas pour toi. Même si tu l’as toujours nié, je suis sure que tu savais qu’un jour tu devrais faire un choix.

Tu sais, c’est peut-être horrible à dire mais j’ai déjà été jalouse de toi. Beaucoup même. Tu étais la petite brune connue & appréciée par tout le monde. Si je parlais de toi à quelqu’un, il savait forcément qui tu étais. Tandis que moi, j’étais la blonde invisible. On ne m’a jamais dit que j’étais laide, on ne m’a jamais dit que j’étais jolie. J’étais celle qui passait toujours inaperçue. Et les seules fois où on me voyait c’était parce que je m’étais ridiculisée. Pitoyable non ? Toi tu n’as jamais remarqué ta facilité à te faire des amis. Du moins au début. Mais quand ta personnalité digne d’une serpentard s’est révélée, tu t’es mise à t’en servir d’avantage pour manipuler les gens. Moi ça me désolais de te voir agir comme ça. Mais je ne te disais rien. A quoi bon ? Tu ne m’écoutais jamais.

Et puis, tu as rencontré d’autres élèves & on s’est éloigné pour un temps. Toi, tu étais toujours entouré de nombreuses personnes prêtes à tout pour devenir tes amis. Aussi bien première année que dernière année. Aussi bien deuxième que troisième. Du jamais vu ! Tu as pris gout à ta nouvelle popularité & tu m’as laissé tomber. Pas vraiment, tu as simplement cessé de me voir. Parce que faire un choix, choisir de ne plus me parler, c’était trop dur pour toi. Si toi tu étais entouré, moi par contre je suis restée seule. Jusqu’à ce que je rencontre Matthew. Et un jour, tu as décidé que tu avais à nouveau du temps à m’accorder. Alors je t’ai présenté Matthew.

Matthew n’avait jamais aimé son prénom, certes, mais on l’appelait ainsi quand même. Et puis tu es arrivée & tu as décrétais qu’on n’avait qu’à l’appeler Matt. Evidement, il a été ravi & bientôt, on ne l’a plus appelait que Matt. On était si bien en trio. Mais ça n’a pas duré. Tu as ramené d’autres personnes & on est devenu une sorte de bande, ta bande. Il y avait ceux qui en faisaient parti pour des raisons pratiques. Le chouchou d’un prof, celui qui pouvait faire nos devoirs, celui qui avait chipé une clé. Beaucoup t’ont remercié, pas moi. Je n’ai jamais été bonne élève mais le fait que quelqu’un d’autre s’occupe de mes devoirs ne m’a pas aidé. Tu n’étais qu’en deuxième année.

Ca a continué ainsi pendant deux ans. Au début de ta cinquième année, tu as commencé à faire le tri. Tous restaient mais dans ce qui était véritablement ta bande, nous n’étions plus que quelques uns. Matt, Tess, Allison, Nathan, toi & moi. Tess. Comme je pouvais la détester ! Tu te souviens lorsqu’elle m’a remplacé ? Après une violente dispute, tu m’as complètement abandonné & tu t’es tournée vers cette teigne. Elle, trop contente de te servir de meilleure amie, était toujours avec toi & faisait toujours ce que tu voulais. Même les choses que moi je jugeais trop dangereuse. Mais je en m’inquiétais pas, tu finirais par me retrouver, tu finissais toujours par me retrouver ! J’avais de l’espoir, contrairement à maintenant.

Et puis il y a eu « l’affaire Matt ». On était en cinquième année. Tu étais plus belle que jamais. Tu avais une frange & tes cheveux étaient plus courts mais ils restaient tout de même longs. Tes yeux bleus captivaient tous ceux qui avaient le courage de s’y jeter tout en sachant qu’ils n’auraient pas la force d’en sortir. Tu avais toujours eu des petits-amis en veux-tu en voilà mais jamais quelqu’un du groupe, ou plutôt un de tes proches. Et toi, toute souriante tu t’es avancée vers moi en m’annonçant que tu avais un nouveau petit-ami. J’étais intriguée, tu ne m’avais pas dit que tu trouvais quelqu’un à ton gout. Matt. Tu m’as révélé que c’était Matt. C’était injuste, j’ignore si tu ne t’en es jamais rendu compte, mais c’était injuste. J’avais connu Matt avant toi, c’était même moi qui te l’avais présenté. Il n’était qu’un garçon de plus à tes yeux. Mais moi, moi je l’aimais. Je faisais des efforts pour être plus sociable, pour m’habiller mieux, pour être plus jolie. Mais non, toi, tu avais eu ce que je désirais depuis toujours en un simple claquement de doigt. J’ai cru que tu lui briserais le cœur comme tous les autres mais non, il n’était pas n’importe qui. Pourtant, je savais que tu ne l’aimais pas. Ou du moins pas comme une fille aime habituellement son petit-ami. Pour toi il était un frère. Vous êtes restés ensemble trois mois et vous avez rompu. Aussi méchant que ce soit, je m’en suis réjouie, je pensais qu’il te haïrait mais non. Tu avais réussi à lui démontrer que tu l’aimais comme un frère & que l’amour qu’il éprouvait pour toi n’était que fraternel. Il y a eu ce jour où il m’a complimenté sur ma coiffure, alors j’ai espéré. J’ai continué d’espérer, longtemps, en vain.

Tout se passait bien jusqu’à cet hiver de notre sixième année. Nous avons fait une magnifique bataille de boules de neige. Tout le monde nous enviait, j’en suis consciente. Tout allé très bien. On est resté longtemps, on n’est pas rentré manger, on est resté dans le parc, dans la neige. Et puis, tu t’es évanouie. Tu n’imagines pas comme tu nous as fait peur ! Matt n’a pas laisser transparaitre sa peur & c’est lui qui t’a porté jusqu’à l’infirmerie. Quand je lui ai demandé comment il avait fait, il m’a répondu qu’il s’était inspiré de toi. On t’a tous rendu visite & l’infirmière nous a appris que tu étais fragile. Froid, chaud, maladies, pluie, neige, soleil. Tu étais sensible à tout. On en a tous été si étonné. Toi, si forte. On a appris qu’en vérité tu étais plus fragile que n’importe qui.

Enfin, tu as haussé les épaules & on a fait comme si de rien n’était. On a tous travaillé assidument et on a eu nos exams’ de fin d’année. Tout aurait pu continuer ainsi mais tu es partie. Ca fait bientôt deux ans que tu es partie, la dernière fois que je t’es vu, tu n’avais que 16 ans. J’ignore où tu es, comment tu vas. Et ça m’est insupportable. J’aimerais tant que tu sois là, à mes côtés. Je t’aime tellement Lila. Pour moi tu es une sœur, une jumelle. J’avais tant l’impression qu’un lien nous rattachait toi & moi mais tout à été détruit quand tu es partie.

Je n’ai parlé que de moi & du passé. Je vais te donner des nouvelles des autres. Car oui, nous avons tous noué une grande amitié, autour de toi certes, mais c’est une amitié quand même et ton départ ne l’a pas dissoute. Nous nous invitons régulièrement & on se voit souvent. A chaque fois, chacun espère qu’un autre pourra donner de tes nouvelles mais nous n’en avons jamais. Je ne sais pourquoi tu refuses d’écrire, peut-être crois-tu que cela ravivera la blessure de ton départ ? Mais crois-moi Lila, nous avons trop mal comme ça & seules tes nouvelles pourraient éteindre le feu de douleur qui nous ravage tous. Matt & Tess vont se marier dans quelques mois, le jour des 19 ans de Tess. Ces mots sonnent si vides couchés noir sur blanc sur du papier. J’ai toujours détesté Tess, j’ai toujours aimé Matt. Mais je ne lui en veux pas. Ce n’est pas sa faute et puis, je me suis résolue depuis longtemps au fait que Matt ne verra jamais autre chose qu’une amie en moi. Ils font un très beau couple, j’aurais aimé que tu les vois, eux auraient aimé que tu assistes à leur mariage. Je te l’écris mais je sais parfaitement que tu ne viendrais pas. Alors je ne te donne pas l’adresse. Pour t’éviter un choix stupide en plus. Nathan continue à changer de petites-amies comme de chemise & Allison, et ba, elle reste Allison. Elle s’est trouvé un fiancé mais elle a rompu avec lui dès qu’il a été question de choses sérieuses. Tu sais à quel point elle déteste s’engager. Mais elle changera surement. Contrairement à toi. Toi tu resteras toujours la même.

J’ignore pourquoi j’éprouve le besoin de tout te confesser dans cette lettre. Peut-être parce que ton absence se fait cruellement ressentir, Lila. J’ai besoin de toi ! Mais je sais que tu ne reviendras pas, je t’ai surestimé, je t’ai imposé un choix. Alors tu es partie. Mais souviens-toi seulement que tu devras faire un choix, un choix qui te sera décisif.

Tu me manques